Agnès Storme
Notaire chez Praquin & Associés

Gestion Patrimoine
Groupama

Décryptage

Couple et investissement : quelles sont les règles à respecter ?

« Les bons comptes font les bons… conjoints ! » Lorsqu’on partage sa vie avec quelqu’un, on a souvent tendance à mélanger son argent et son patrimoine. C’est en général au moment de la séparation ou d’un décès que les comptes sont faits et qu’on prend conscience qu’on a pu opérer des transferts de patrimoine avec des conséquences fâcheuses…

Investissement immobilier : les points de vigilance

En cas d’investissement immobilier à deux, il ne faut pas oublier que tout dépend de la situation conjugale du couple. Si vous êtes mariés, pacsés ou concubins, les règles à respecter ne sont pas les mêmes.

Si vous êtes mariés, cela dépend de votre régime matrimonial. En présence de couples mariés sous le régime de la communauté légale, un immeuble acheté par l’un des époux communs en biens ou par le couple pendant le mariage a la qualification de bien commun. Cette qualification peut être évitée et l'immeuble acquis avoir le caractère de bien propre de l'époux qui achète, à deux conditions :

  • l'origine propre des deniers employés : c’est-à-dire préciser que ces fonds proviennent notamment de fonds propres et notamment de biens acquis avant le mariage, d'économies constituées avant le mariage, d’une somme d’argent reçue par donation/don manuel ou succession ou bien du prix de vente d’un bien reçu par donation ou succession 
  • et le respect de formalités d'emploi ou de remploi par l'époux acquéreur.

Il sera alors nécessaire de préciser l’origine des fonds employés et respecter scrupuleusement les formalités d’emploi ou de remploi des fonds propre des époux.

Pour des époux mariés sous le régime de la séparation de biens, il appartient aux époux de déterminer précisément les proportions d’acquisition pour effectuer leur acquisition en indivision. Chacun le détient en proportion de ce qui a été indiqué dans l’acte notarié d’acquisition.

Pour les couples pacsés, les règles sont un peu différentes. Tout dépend de la date à laquelle le Pacs a été conclu. Avant le 1er janvier 2007, il existe une présomption d'indivision : les biens dont les partenaires deviennent propriétaires après la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié, si l'acte d'acquisition n'en dispose pas autrement.

Pour un couple pacsé et ayant opté dans leur convention pour l’indivision, après le 1er janvier 2007, les biens immobiliers qu'ils achètent ensemble ou séparément à compter de l'enregistrement du Pacs sont réputés indivis par moitié. À défaut de précision dans la convention, c’est le régime de la séparation de biens qui s’applique.

Si l’un des partenaires effectue une acquisition seule, l'immeuble acquis appartient pour moitié indivise à son partenaire alors même que celui-ci n'intervient pas à l'acte.

Il convient donc d’être très vigilant sur la date du Pacs souscrit et ses conséquences pour informer le candidat acquéreur de l’option qu’il dispose d’écarter cette présomption par une déclaration figurant dans l’acte d’achat.

Pour les personnes vivant en union libre, l’acte d’acquisition du bien immobilier doit préciser la proportion dans laquelle chaque concubin est propriétaire (50/50 ou 60/40 ou 70/30…). À défaut, le bien est réputé indivis par moitié.

Assurance vie : souscription individuelle ou conjointe

La souscription d’un contrat d’assurance vie peut être réalisée individuellement ou conjointement selon le régime matrimonial adopté par les époux. C’est l’origine des fonds qui va déterminer la faisabilité d’un investissement. Or, dans la pratique, les choix opérés ne tiennent pas toujours compte de l’origine des fonds.

En présence d’époux mariés sous un régime de séparation de biens, les biens sont personnels. En principe, chaque époux doit souscrire individuellement son contrat à l’aide de fonds personnels (attention à bien respecter la réalité de la situation afin d’éviter toute remise en cause par l’Administration/héritiers du souscripteur).

Si les époux sont mariés sous le régime de la communauté aux acquêts, selon l’origine des fonds, les règles d’investissement sont différentes :

  • les fonds sont communs : chaque époux peut souscrire ou alimenter le contrat d’assurance vie. Dans ce cas, en fonction de sa situation patrimoniale et de ses objectifs, le couple pourra alors soit opter pour une souscription individuelle soit pour une souscription conjointe.
  • les fonds sont propres à l’un des époux : l’investissement qui est réalisé sur le contrat d’assurance vie de l’autre époux au moyen de fonds propres est considéré comme une donation indirecte. L’époux détenteur de liquidités dont l’origine est propre doit verser l’intégralité des capitaux sur le contrat d’assurance vie dont il est titulaire.

Attention :

Il pourra être envisagé, si l’un des époux souhaite rééquilibrer les patrimoines, de procéder à une donation (don manuel ou notarié) ou à un aménagement du régime matrimonial.

Sauf déclaration d’emploi ou de remploi, les fonds propres sont réputés être tombés en communauté. Ce sont les règles applicables au contrat d’assurance vie souscrit avec des deniers communs qui s’appliquent, sous réserve que la communauté doive une récompense à la succession de l’époux décédé au titre des sommes qu’elle a encaissées.

En cas de divorce, attention aux conséquences au moment de la liquidation du régime matrimonial.

Qu’il soit souscrit individuellement ou conjointement, sans précision sur la provenance des fonds, le contrat d’assurance vie souscrit pendant le mariage est réputé faire partie de la communauté.

S’il est au nom d’un seul des conjoints, le conjoint souscripteur peut conserver son contrat mais doit dédommager son conjoint pour la moitié de la valeur de rachat du contrat au jour du divorce.

S’il a été souscrit conjointement, le contrat doit être racheté et la valeur de rachat du contrat est partagée pour moitié entre les deux conjoints.

Épargne retraite

Force est de constater que l’épargne retraite constitue un actif qui prend de plus en plus de place dans le patrimoine des époux et les montants sont de plus en plus importants. Là encore, les règles sont différentes en fonction du régime matrimonial des époux. En cas de séparation ou de divorce, le sort de votre PER dépend du contrat de mariage, mais aussi de l’origine des fonds et de la date des versements.

Pour en savoir plus : « Paroles d’expert »

En un clin d’œil

Taux individualisé de prélèvement à la source : quel changement en 2025 ?

Il existe trois types de taux de prélèvement à la source : le taux personnalisé, le taux individualisé et le taux neutre.

Aujourd’hui, le taux de droit commun est le taux personnalisé de prélèvement à la source (taux unique du foyer) qui s’applique, par défaut, aux couples mariés et partenaires pacsés soumis à imposition commune. Ils peuvent néanmoins opter pour un taux individualisé afin de tenir compte des écarts de leurs revenus en se rendant sur leur espace personnel en ligne. En pratique, moins de 30 % des couples mariés ou pacsés choisissent cette option.

À compter du 1er septembre 2025, dans le but de renforcer l’égalité fiscale entre les hommes et les femmes, le taux individualisé s’appliquera de plein droit aux revenus personnels des couples mariés ou liés par un Pacs (mesure issue de la Loi de Finances pour 2024). Chaque membre du couple se verra appliquer d’office un taux individualisé calculé à partir de ses revenus personnels (par exemple, les salaires ou les pensions/rentes). Les autres revenus continueront à être soumis au taux personnalisé (taux unique du foyer). L’application de ce taux unique à l’ensemble des revenus du foyer restera possible, sur option. Cette option devra être prise par chacun des membres du couple à partir de leur espace personnel sur le site impots.gouv.fr, dans la rubrique « Gérer mon prélèvement à la source ».

Enfin, l’application du taux neutre est obligatoire dans certains cas (par exemple, quand le contribuable n’a jamais souscrit de déclaration de revenus) mais peut aussi résulter d’une option du contribuable. Ce taux est alors déterminé au moyen de grilles définies dans le Code Général des Impôts.

Actualités fiscales

Est-on solidaire du paiement de l’impôt après un divorce ou une séparation ?

En France, l’ex-conjoint ou l’ex-partenaire de PACS peut être poursuivi par l’administration fiscale pour régler les dettes fiscales communes nées pendant la vie commune. Selon le Collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale1, dans 90 % des cas, ce sont des femmes qui se voient contraintes de régler ces dettes et 80 % des dettes sont issues des redressements fiscaux liées aux activités professionnelles de l’ex-conjoint, ce qui peut aboutir parfois à des situations dramatiques. Des personnalités en ont fait les frais, c’est le cas notamment de la veuve de Bernard Tapie qui s’est vu condamner à régler une dette de plus de 600 millions d’euros.

La loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 visant à « assurer une justice patrimoniale au sein de la famille » entrée en vigueur le 2 juin 2024 vient assouplir le dispositif existant en matière de décharge de solidarité fiscale des ex-conjoints ou des ex-partenaires pacsés.

Retour sur le principe de la solidarité fiscale et les modalités pour en réclamer la décharge.

Qu’est-ce que la solidarité fiscale ?

Les couples mariés ou pacsés forment un seul foyer fiscal. Sauf exceptions, ils doivent faire une déclaration commune d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune immobilière. En conséquence, les sommes dues à l’administration fiscale sont considérées comme des dettes communes. Ils sont donc solidaires de leur paiement2. Cela vaut aussi pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires3.

Cette règle permet à l’administration fiscale de réclamer indifféremment à l’un ou l’autre des époux (ou partenaires pacsés) le règlement de l’intégralité des dettes fiscales nées durant la vie commune.

A noter que la solidarité fiscale s’applique peu importe le régime matrimonial des époux. De même, la séparation du couple n’entraîne pas la fin de la solidarité fiscale pour une dette contractée durant la période d’imposition commune.

Autrement dit, un contribuable peut être poursuivi par l’administration fiscale pour le règlement d’une dette fiscale générée par son ex-conjoint ou ex-partenaire pacsé, notamment en cas de fraude fiscale commise par ce dernier, lorsque cette dette est née durant leur vie commune, préalablement à leur séparation. C’est le cas dans une affaire récente d’une ex-épouse condamnée à régler les 2 millions d’euros de dettes laissées par son ex-mari, expert-comptable. Celui-ci, qui avait fraudé pendant onze ans sans que son ex-épouse ne soit au courant, a été condamné pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale et abus de biens sociaux. L’argent avait servi uniquement à entretenir ses maîtresses qui ont été poursuivies pour recel4.

C’est la raison pour laquelle le législateur qui a déjà mis en place une procédure de décharge de solidarité fiscale est venue la compléter avec la loi du 31 mai 2024.

Comment demander la décharge de solidarité fiscale ?

Pour demander la décharge de responsabilité solidaire auprès de l’administration, l’ex-conjoint ou l’ex-partenaire de PACS qui n’est pas responsable de la dette fiscale doit satisfaire au minimum à trois conditions cumulatives :

  • rupture de la vie commune ;
  • disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et sa situation financière et patrimoniale à la date de la demande ;
  • comportement fiscal irréprochable depuis la rupture de la vie commune : le demandeur doit avoir respecté ses obligations déclaratives propres et ne pas avoir tenté de se soustraire à l’impôt.

En pratique, la décharge étant difficilement applicable, la loi du 31 mai 2024 vient d’en modifier les règles afin de limiter les effets de la solidarité fiscale pour les personnes divorcées ou séparées.

Désormais, une nouvelle procédure de demande de remise gracieuse permet au contribuable d’être considéré comme tiers à la dette fiscale en justifiant qu’il ignorait la fraude fiscale commise par son ex-époux/ex-partenaire pacsé.

La loi prévoit également une possibilité de restitution des sommes déjà payées à la suite de l’octroi d’une décharge de responsabilité solidaire. Jusqu’à maintenant, lorsque l’administration fiscale avait déjà saisi un bien ou des avoirs avant l’obtention de la décharge, ces sommes n’étaient jamais restituées.

Nous sommes aujourd’hui dans l’attente de la mise à jour de la doctrine administrative pour avoir plus de détails sur la portée de ces nouvelles dispositions.


https://www.solidaritefiscale.com/

Article 1691 bis du Code général des impôts

La taxe d'habitation pour la résidence principale a été totalement supprimée depuis le 1er janvier 2023 pour tous les contribuables.

Le Figaro, « Solidarité fiscale : l’âpre combat de ces femmes poursuivies pour les dettes de leur ex-mari », 13 mai 2024

Paroles d’expert

En cas de liquidation du régime matrimonial, comment le Plan d’Epargne Retraite est-il appréhendé par le notaire ?

Le plan d’épargne retraite est un produit financier qui est devenu très fréquent dans le patrimoine de nos clients. Mais ses caractéristiques en font un produit très spécifique et la prise en compte relève parfois du supplice chinois...

Tour d’horizon des principales questions liées à l’impact d’un point de vue civil de la liquidation du régime matrimonial légal (communauté de biens réduite aux acquêts) lorsque le PER a été alimenté au moyen de fonds communs.

1

Si le PER n’est pas débloqué et que la communauté est dissoute par divorce ou décès du conjoint du souscripteur, quelle est la nature du PER ?

La Cour de cassation considère alors que le PER est un bien propre par nature pour le souscripteur, quand bien même il aurait été alimenté au moyen de fonds communs1.

Se pose alors la question de l’existence d’une récompense (créance) due par l’époux titulaire du PER à la communauté. La Cour de cassation indique que la rente constituée et délivrable lors de la retraite du souscripteur et ne génère pas de récompense si elle est réversible sur la tête du conjoint (même si elle est librement révocable)2. À l’inverse, une récompense est due en l’absence d’une telle réversion3 ou si le conjoint ne peut plus être considéré comme le conjoint bénéficiaire par l'effet du divorce.

2

Si le PER n’est pas débloqué, comment déterminer le montant de la récompense ?

Le montant de la récompense est égal à la valeur de rachat du PER4.

3

Si le PER n’est pas débloqué, comment le prendre en compte au décès du souscripteur ?

Le contrat est automatiquement clôturé au décès du souscripteur. S’il s’agit d’un PER sous la forme d’un compte-titres, il constitue un actif de succession à charge de récompense due à la communauté.

S’il s’agit d’un PER assurantiel, le décès du souscripteur emporte le versement du capital au bénéficiaire désigné. Il y aura alors lieu de distinguer deux hypothèses :

  • soit le conjoint survivant est désigné comme bénéficiaire : aucune récompense n’est due à la communauté5 ;
  • soit il s’agit d’une autre personne désignée bénéficiaire : une récompense est alors due par la succession à la communauté. Le contrat est dénoué, et à défaut de profit subsistant6, la récompense est égale à la dépense faite, soit le montant des versements sur le contrat.
4

Si la dissolution de la communauté intervient après le déblocage du PER sous la forme d’un capital ou d’une rente, quelle conséquence lors de la dissolution de la communauté ?

En cas de divorce ou en cas de décès du conjoint du titulaire du contrat qui a perçu un capital, ce capital doit être traité comme un bien propre du souscripteur et un actif de la succession. Toutefois, la communauté a droit à récompense, déterminée en fonction du profit subsistant.

En cas d’emploi du capital, la récompense devra être évaluée en tenant compte de cet emploi. Si par exemple ce capital a permis l’achat d’un bien immobilier, c’est la valeur du bien immobilier au jour de la récompense et non la valeur du bien au jour de l’achat qui devra être prise en compte.

S’il s’agit d’une rente, elle reste propre au souscripteur. S’agissant des sommes perçues pendant le mariage deux courants de pensées s’opposent pour considérer qu’ils sont propres ou communs.

5

En cas de décès du souscripteur, après le déblocage du PER, quel impact dans le cadre de la liquidation de la communauté ?

En cas de sortie du PER en capital : le capital ou le bien acquis avec ce capital constitue un bien propre du souscripteur décédé. Une récompense sera due par la succession à la communauté au titre de son appauvrissement, égale au profit subsistant.

En cas de sortie du PER en rente : au décès du souscripteur, la rente s’éteint, sauf réversion. En cas d’absence de réversion, une récompense est due par la communauté au titre des arrérages encaissés par la communauté et récompense due par la succession au titre des versements faits par la communauté. La réversibilité de la rente au profit du conjoint survivant est de nature à supprimer la récompense.

Comme on peut le constater, le PER est un produit complexe et en pratique il est parfois difficile d’obtenir les informations nécessaires pour déterminer le montant des récompenses.


Agnès Storme, Notaire chez Praquin & Associés


Cass.1e civ. 30-04-2014 n° 12-21.484

Cass.1e civ. 01-02-2017 n° 16-11.599

Cass.1e civ. 28-02-2018 n° 17-13.392

Article 1469 alinéa 1 et 3 du Code civil

Article L 132 – 16 du Code des assurances

Le profit subsistant est l'enrichissement que le transfert de valeur de l'un des patrimoines (propre, ou commun, selon l'hypothèse), c'est-à-dire la dépense, a entraîné dans l'autre patrimoine (respectivement commun, ou propre, selon l'hypothèse). Autrement dit, l'évaluation de l'impact qu'a eu la dépense sur la valeur du bien au jour de la dissolution du régime matrimonial.